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Texte lu le 15 juin devant les abattoirs

lun, 06/17/2013 - 20:08 -- Brigitte Gothière

« L’enfer n’existe pas pour les animaux, ils y sont déjà » écrivait Victor Hugo.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour appeler à les sortir de cet enfer, du moins pour la partie qui est de la responsabilité des êtres humains.
Ensemble, faisons fleurir un printemps animaliste et finissons-en avec l’enfer que nous avons fait de leurs vies.

Nous sommes rassemblés aujourd’hui sur le site symbolique des anciens abattoirs de Vaugirard pour dénoncer l'iniquité et la cruauté de nos pratiques alimentaires basées sur la consommation des animaux.

Ici même, en 1949, le cinéaste Georges Franju a filmé la triste réalité de leur mise à mort dans un documentaire intitulé « Le Sang des Bêtes ». De sa première visite il dira plus tard :
« Quand je suis allé la première fois là dedans, je suis rentré chez moi, j'ai pleuré pendant deux jours, j'ai caché tous les couteaux, j'avais envie de mourir. »
Les consommateurs de chair, lait ou œufs que nous sommes, ou que avons été, n’aiment pas penser à ce qui s’est passé en amont pour que ces produits arrivent dans nos assiettes. J.M. Coetzee, prix Nobel de littérature, notait à ce propos dans une interview donnée en 2007 :

« La grande majorité des gens […] se sentent un peu mal à l’aise, un peu nauséeux, quand ils pensent à ce qui se passe dans les élevages et les abattoirs. Alors ils organisent leurs vies de façon à penser le moins possible aux élevages et aux abattoirs, et font de leur mieux pour que leurs enfants restent dans l’ignorance, car les enfants ont le cœur tendre et peuvent être facilement émus. »

Mais pendant que nous détournons le regard, les animaux eux, continuent à vivre l’enfer, à cause de nous.

Pendant que nous nous abritons derrière des arguties visant à faire croire qu’ingurgiter le corps d’autrui serait légitime, normal, naturel ou nécessaire… les animaux eux continuent à vivre l’enfer, à cause de nous.

Il est temps de déconstruire l’idéologie carniste qui sécrète depuis des siècles ces arguties criminelles, et qui est aujourd’hui savamment entretenue par les industries d’exploitation animale.

Il est temps de contester la primauté du moindre désir humain, de la moindre mauvaise habitude acquise, sur l’intérêt des animaux à jouir du seul bien qu’ils possèdent : leur propre vie.

Nulle pratique humaine ne cause plus de souffrance et de morts que l'élevage et la pêche.

Chaque année dans le monde, plus de 60 milliards d'animaux terrestres sont abattus pour leur chair auxquels viennent s'ajouter des centaines de milliards d’animaux issus des élevages aquacoles, et des centaines de milliards de poissons arrachés aux lacs rivières et océans.

Quelle justification éthique pouvons nous trouver a tous ces meurtres alimentaires ? À ces gorges tranchées, ces poissons asphyxiés ? Aucune si ce n'est le plaisir égoïste de satisfaire nos papilles au mépris de la vie des animaux,

Les animaux ne sont pas des produits destinés à notre usage. Ce sont des êtres sentients, capables d'émotions, de sentiments, de connaissance, de raison, et nous avons à travers eux d'autres mondes à découvrir.

Il est temps de procéder à une révolution éthique et d'inclure définitivement l'animal dans notre sphère de considération morale.

La réflexion critique sur ce qu'implique l'usage alimentaire des animaux est engagée depuis l'Antiquité. Avec l’industrialisation de l’élevage et de la pêche, elle est plus que jamais d’actualité.

Faisons qu’elle grandisse et s’incarne dans le réel. Cette stèle que nous allons maintenant dévoiler est un acte de mémoire, mais surtout un engagement tourné vers l’avenir. Elle est la marque de notre volonté de nourrir le débat public, citoyen, sur ce qui est dû aux animaux. Jusqu’à ce que cesse de couler le sang des bêtes.

En posant cette stèle aujourd'hui, nous voulons rendre hommage a ces milliers de chevaux, de vaches, de bœufs, de moutons, abattus ici, à Vaugirard, entre 1898 et 1976.

Dans la frayeur et l'épouvante, combien ont voulu s'échapper, pressentant leur sort funeste ?

Mais rien n'a arrêté leurs bourreaux, ni leurs cris affolés, ni leurs yeux désespérés, ni la vue du sang versé.
Rien n'a ému ceux qui, plus tard, les ont découpés et engloutis, ont digéré leur agonie et fait de leurs estomacs leur cimetière.

En posant cette stèle, nous pensons aussi a ces milliards d'animaux abattus ailleurs, aujourd’hui et demain, sur terre et dans les mers.
Nous pensons à ces myriades de poissons qui ne crient pas, mais se débattent des heures et des jours durant, piégés dans les filets, avant de suffoquer interminablement sur le pont des navires.

Alors, comme Martin Luther King hier, nous avons nous aussi un rêve : celui de voir un jour cesser ce cauchemar carnivore.
Nous avons le rêve de voir la question animale devenir une question sociétale et politique centrale.
Nous avons le rêve d'un monde ou les subventions ne seraient plus accordées à ces industries de mort que sont l'élevage et la pêche, mais destinées à la reconversion des travailleurs qu’elles emploient aujourd’hui. Pour qu’eux aussi sortent de ce cauchemar.
Nous avons le rêve d'un monde où humains et non humains cohabiteraient en paix dans une fraternité nouvelle.
Un monde où les animaux ne seraient plus considérés comme des marchandises ou de la viande sur pattes.
Un monde où l'exploitation et le meurtre des animaux seraient enfin devenu illégaux comme l'avaient imaginé Voltaire dans La princesse de Babylone ou bien encore Tolstoï, Louise Michel et Léonard de Vinci pour ne citer qu'eux.
Un monde enfin ou les animaux seraient respectés et regardés comme les merveilles qu'ils n'ont jamais cessé d'être.
C'est vers ce monde nouveau que nous sommes aujourd’hui en marche.

Il est grand temps d'abolir nos privilèges humains et de rendre aux animaux la justice que nous leur devons.
Faisons de nos rêves une réalité.
Stoppons l’élevage et la pêche.
Fermons tous les abattoirs.